- SHERIFF
- SHERIFFSHERIFonctionnaire royal en Angleterre, dans les territoires dépendants et en Écosse. La fonction existe dès l’époque anglo-saxonne et a été étendue, après la conquête, dans toute l’Angleterre; elle est ensuite créée en Irlande et au Pays de Galles et imitée à la fin du XIIe siècle en Écosse, où elle prend un caractère héréditaire. Le mot dérive de reeve (fonctionnaire royal saxon) et de shire , circonscription territoriale analogue au comté. Le sheriff (qui, passé dans la langue française, a donné shérif) a été un très haut personnage aux XIe et XIIe siècles surtout: il est alors investi des pouvoirs judiciaires, militaires et fiscaux dans les comtés; il les exerce souvent sa vie durant et doit simplement rendre compte de l’administration des revenus du domaine devant la cour de l’Échiquier. Le déclin s’amorce, en Angleterre, avec la grande enquête de 1170, marquée par la destitution de tous les sheriffs, leur remplacement par des hommes de moindre importance sociale et la punition de nombreux actes de concussion. Le développement de nouvelles cours royales aux XIIe et XIIIe siècles, la nomination aux XIVe et XVe siècles, et surtout à partir du XVIe, de «gardiens» ou «juges de paix» dans les comtés, l’institution sous Marie Tudor de lords-lieutenants investis des pouvoirs militaires vident peu à peu la fonction de sa réalité. Subsistent plus longtemps des responsabilités de police (dont la supervision des prisons), l’exécution des sentences criminelles, l’administration du domaine royal, la transmission des décrets électoraux et la tenue des élections, un ensemble d’honneurs. Nombre de bourgs obtiennent de nommer eux-mêmes les responsables de ces secteurs et la Cité de Londres choisit son sheriff depuis le règne d’Henri Ier (1100-1135). Aussi bien en Angleterre qu’en Écosse, où ils ont conservé plus longtemps d’importantes responsabilités, les sheriffs ont délégué l’exercice de leurs pouvoirs à des subordonnés, cela de façon obligatoire en Angleterre dès le règne de Guillaume IV et en Écosse en 1877. Cette substitution a permis, en Écosse, de développer considérablement les pouvoirs judiciaires des tribunaux de sheriffs, dont la compétence, au XIXe siècle, est criminelle et civile et dépasse celle des cours de comté en Angleterre. Le système écossais a survécu jusqu’à nos jours, cependant que la Cité de Londres continue d’élire deux sheriffs chaque année. Dans les comtés anglais et gallois, la fonction est surtout honorifique.Aux États-Unis, le sheriff, qui est généralement élu, détient aujourd’hui encore un pouvoir administratif et judiciaire limité.⇒SHÉRIF, SHÉRIFF, subst. masc.A. — En Grande-Bretagne, magistrat qui représente la Couronne dans chaque comté, chargé de différentes fonctions de police et de justice. Le shérif, dis-je, peut être élu lord-maire, et personne n'est élevé à cette dignité sans avoir été shérif (BALZAC, Œuvres div., t. 1, 1830, p. 231). Même les pauvres travailleurs soumis au dur statut d'Élisabeth étaient chassés des champs (...) beaucoup plus par l'effet des transformations agricoles (...) que par la violence des shérifs ou des archers! (JAURÈS, Armée nouv., 1911, p. 363).B. — Aux États-Unis, officier d'administration élu, chargé du maintien de l'ordre, de l'exécution des sentences dans un comté ou dans un district administratif. Étoile de shérif. Il est à-la-fois un des premiers cultivateurs de cet État, colonel de la milice, et shériff du comté d'Orange (CRÈVECOEUR, Voyage, t. 1, 1801, p. 236).— P. anal. [P. réf. aux shérifs des westerns] Personne qui exerce localement une autorité sans souci de la légalité. Synon. justicier. Et voilà que, le surlendemain, le Premier ministre dément, sur le ton d'un petit rappel à l'ordre, celui qu'on appelle le « shérif de Loudun » (Le Nouvel Observateur, 26 août 1978, p. 26, col. 1).♦ Jouer les shérifs. Jouer les caïds. Arrêtez-le! arrêtez-le! (...) Naturellement, il y a eu un connard, comme toujours, pour vouloir jouer les shérifs (...) [un cycliste] en avance sur le peloton des justiciers populaires (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p. 41).Prononc. et Orth.:[
]. Att. ds Ac. dep. 1762. Ac. 1762, 1798 ,,On prononce schérif``, où la graph. ch se substitue, malencontreusement, à h, pour former avec le s init. une graph. d'apparence germ. Ac. 1835, 1878 ,,On prononce chérif``. Étymol. et Hist. 1. 1547 scheray « magistrat responsable de la loi dans un comté en Grande-Bretagne » (O. DE SELVE, Lettre au roi, 9 mai in Correspondance politique de Odet de Selve, ambassadeur de France en Angleterre, éd. G. Lefèvre-Pontalis, 1888, 141 ds HÖFLER Anglic.); 1585 schirif (Trad. Discours de la vie abominable, ruses, trahisons [...] desquelles a usé et use journellement le my Lorde de Lecestre, 30, v ° ds QUEM. DDL t. 30); 1601 Chérif (P. DE L'ESTOILE, Mémoires-journaux, mars, éd. G. Brunet, A. Champollion et alii, VII, 1879, 270 ds HÖFLER Anglic.); 1669 Sherif (E. CHAMBERLAYNE, L'Estat present de l'Angleterre, 299, ibid.); 2. 1801 aux États-Unis (CRÈVECŒUR, loc. cit.). De l'angl. sheriff, issu du vieil angl. scírzeréfa de scír « comté » et zeréfa (angl. reeve) « premier magistrat, bailli » désignant à l'orig. un haut magistrat représentant le pouvoir royal dans les comtés d'Angleterre et du pays de Galles, ce rôle ayant été ensuite réduit à des fonctions plus précises, le terme désigna les magistrats de fonctions généralement similaires en Écosse, en Irlande, puis en Amérique du Nord avec des conditions d'accession à ces charges allant de la transmission héréditaire à la nomination ou à l'élection pour un temps déterminé selon les régions et les époques (v. NED). Fréq. abs. littér.:34. Bbg. BARB. Loan-words 1921, p. 139. — BONN. 1920, p. 131. — BOULAN 1934, p. 122.
ÉTYM. 1669, sherif; scheray, 1547; chérif, 1601; mot angl. sheriff, de même rac. que shire « comté ».❖1 Magistrat du comté, responsable de l'application de la loi (nomination des jurés, etc.), en Angleterre.1 Les shériffs des comtés étaient jadis choisis par le peuple; mais Édouard II, et après lui Henri VI, ayant repris cette nomination pour la couronne, les shériffs étaient devenus une émanation royale (…) Les shériffs de Galles et de Chester possédaient de certaines prérogatives fiscales. Toutes ces charges subsistent encore en Angleterre, mais, usées peu à peu au frottement des mœurs et des idées, elles n'ont plus la même physionomie qu'autrefois.Hugo, l'Homme qui rit, II, IV, VI.2 (1835, Tocqueville). Officier du comté, chargé du maintien de l'ordre, de l'exécution des sentences, etc., aux États-Unis. — Spécialt. (Fin XIXe). Ce personnage, dans l'Ouest. || Le personnage du shériff dans les histoires de l'Ouest (westerns). ⇒ Marshal. || Étoile de shérif. || L'élection du shérif.2 Ayant appris qu'Adams, shérif de Santa Clara, et Rowland, shérif de Los Angeles, s'étaient mis en campagne et battaient le pays à la recherche des assassins, il se porta au-devant des agents de police, tout prêt à se livrer lui-même et, moyennant récompense, à conduire les shérifs sur les traces du voleur.W. Hepworth Dixon, la Conquête blanche (1875), trad. de l'angl. par H. Vattemare, in le Tour du monde, 1876, t. I, p. 126.3 « Je demanderai toujours pour vous un billet au shériff » fit l'hôtelier, « vous vous en servirez ou ne vous en servirez pas… »Paul Bourget, Outre-Mer, 1895, p. 228.❖HOM. Chérif.
Encyclopédie Universelle. 2012.